Dernière mise à jour le 25 mai 2023
Un pas sous le Rhin, et me voici transporté dans un univers totalement insolite à moins de 10 kilomètres du centre-ville de Strasbourg. La centrale hydroélectrique de Strasbourg est une merveille d’ingénierie qui permet de fournir l’équivalent de 15 mois de consommation électrique d’une ville comme Strasbourg, de façon propre et stable ! Je vous emmène la découvrir pour une visite assez originale.
Des centrales hydroélectriques sur le Rhin
L’usine de Strasbourg fait partie d’une cascade de 10 grandes centrales et 2 petites centrales, qui jalonnent le Rhin sur près de 185 kilomètres de frontière commune entre la France et l’Allemagne, de Bâle à Lauterbourg. Elles produisent en moyenne un peu plus de 8 milliards de kWh par an, couvrant deux tiers de la consommation électrique de l’Alsace.
Ces centrales, qui exploitent en continu le débit du fleuve, dérivé par des barrages, sont dites « au fil de l’eau ». L’hydroélectricité qu’elles produisent est une énergie entièrement renouvelable qui n’entraîne pas d’émission de gaz à effet de serre.
La centrale hydroélectrique de Strasbourg
Construite sur l’île du Rohrschollen, la centrale de Strasbourg a été mise en service en 1970. Sa construction est le fruit d’un héritage historique, ayant été la dernière centrale construite suite au Traité de Versailles de 1919. Le chantier n’a duré que trois ans, bénéficiant de l’expérience des chantiers précédents dans la région et de l’expertise d’EDF.
La centrale est ouverte à quelques occasions aux visites. Pour y accéder, on franchit l’impressionnante écluse qui voit transiter près de 18 000 bateaux en moyenne chaque année dont des portes containers et des bateaux de croisière. Vous imaginez la taille du sas (190 mètres). Une fois dans la centrale, on est accueilli par le personnel pour une visite guidée. Casque et gilet de sécurité obligatoires. Nous allons pénétrer dans les coulisses de cet ouvrage particulièrement bruyant avec ses 6 turbines.
Après avoir traversé un couloir dont le tracé au sol symbolise celui du Rhin, nous pénétrons dans le poste de commande, le centre névralgique. Il y a des écrans et des boutons partout. L’un d’eux indique le débit Birse qui est le débit mesuré en amont par le barrage de Kembs. L’eau arrivera près de 8h plus tard au barrage de Strasbourg.
Sous le fleuve, au coeur d’une turbine de près de 6m
Après avoir enfilé des bouchons pour oreilles, on pénètre dans les entrailles de la centrale, vers les fameuses turbines. Les premières centrales du Rhin furent équipées de turbines dites “Kaplan” verticales. Mais ici à Strasbourg, comme dans les trois autres centrales les plus récentes, les turbines sont “Bulbes”, disposées horizontalement. Un choix qui a réduit la taille des bâtiments et amélioré la performance hydraulique.
Lors de ma visite, j’ai eu la chance d’en voir une en vrai et de très près. C’est particulièrement rare. J’ai bénéficié d’une opération de maintenance sur l’une d’elles pour pénétrer dans le conduit. Face à moi, une turbine de 5,6 mètres. Derrière moi, une porte vanne de 60 tonnes. Au-dessus de nous, le Rhin !
On remonte ensuite à la surface, à l’air libre, au-dessus des turbines. On mesure à cet endroit l’impressionnante hauteur de chute entre l’amont et l’aval de la centrale : 13,25 mètres ! La visite s’achève ici pour la partie technique…
Protection de la biodiversité et sensibilisation à l’environnement
A proximité, la réserve naturelle du Rohrschollen rappelle l’importance de préserver la biodiversité locale. Au-delà de son impressionnante production d’électricité, la centrale hydroélectrique de Strasbourg se distingue par son engagement écologique affirmé. L’exemple le plus frappant est sans doute la création de la passe à poissons. Inaugurée en 2016, c’est une réponse ingénieuse et essentielle à une problématique sérieuse : le barrage de la centrale, comme tous les barrages, perturbe le parcours naturel des poissons qui remontent le Rhin pour se reproduire.
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Une passe à poissons et une rivière pseudo-naturelle
Pour surmonter ce défi, la centrale a installé une passe à poissons dotée d’une double entrée, une pour les grands migrateurs et une pour les poissons locaux, avec un débit total de 15m3/s. Cette eau est ensuite turbinée pour produire de l’électricité via une petite centrale de 1,5 MW. Et le clou du spectacle ? Un local de comptage automatisé et un espace d’observation destiné au public. Vous pouvez ainsi vous émerveiller en regardant les petits poissons passer grâce à cette ingénieuse installation.
En visitant la centrale hydroélectrique de Strasbourg, j’ai découvert un monde insoupçonné, un lieu où technologie et nature cohabitent pour fournir l’électricité qui alimente notre quotidien. N’oublions pas que deux tiers de l’électricité consommée en Alsace proviennent de ces centrales, une énergie propre et stable.